Quand on circule dans la région de Montpellier, on est frappé par l'omniprésence des vignobles. On en rencontre même au bord de mer, par exemple autour de la cathédrale de Maguelone, et quelques parcelles sont plantées de vignes dans la commune de Lattes. D'ailleurs dans la paroisse de L'Eglise Protestante Unie de Montpellier, le secteur qui englobe Lattes s'appelle "Mer et Vignes". Quand on se dirige au nord de Montpellier, comme je l'ai fait début juillet pour aller vers Alès, on en voit aussi partout au bord de la route, même dans les parcelles de terre les plus ingrates. Et bien sûr, les vignobles s'épanouissent dans les contreforts des Cévennes, par exemple au pied du Pic Saint Loup.
C'est manifestement la principale ressource agricole de la région, et - à part l'élevage dans la montagne - elle ne laisse guère de place à d'autres productions, sauf quelques cultures maraîchères ou arbres fruitiers. Cette impression est confirmée par la cartographie du ministère de l'agriculture, qui montre combien les départements de l'Hérault et de l'Aude sont essentiellement viticoles.
Pourtant, historiquement les vins du Languedoc n'ont pas toujours été florissants et ont connu maints problèmes, même s'il semble que le vignoble ait existé depuis l'antiquité dans la région. Il avait notamment justifié la création d'un port à Lattes (ancienne Lattara) par les Etrusques, puis au Moyen-âge à Villeneuve-les-Maguelone pour effectuer le commerce du vin. En fait selon wikipedia, le plus ancien vin régional est un mousseux, la blanquette de Limoux, produite près de Carcassonne. Tite-Live aurait déjà vanté «l'aspect fort avenant des vins blancs de Limoux».
Jusque vers les années 1980, les vins du Languedoc avaient une réputation de mauvaise qualité. C'était des vins de table assez bas de gamme, à l'exception peut-être des muscats de Frontignan, Lunel ou Mireval (sans oublier Saint Jean de Minervois) qui produisent un vin doux naturel apprécié, à l'apéritif ou avec les desserts. Certains les trouvent trop sucrés. Mon problème avec les muscats est surtout de pouvoir les boire suffisamment frais quand il fait chaud l'été. Or les puristes refusent encore d'y mettre des glaçons pour ne pas diluer le vin. Il faudrait donc le garder toujours au frigo pour pouvoir le servir frais, ce qui n'est pas très réaliste quand on n'en boit qu'occasionnellement. Chez nous donc on ne s'interdit donc pas les glaçons dans le muscat.
Le développement massif du vignoble de la région date notamment de l'arrivée en Languedoc du chemin de fer au milieu du XIXème siècle, qui a permis d'inonder tout le marché français de vins de table à bas prix. Mais dès 1863 le phylloxera a failli être fatal à ce vignoble, après le mildiou et l'oïdium. On trouve devant le temple protestant de Montpellier, à côté de la gare Saint Roch, le square Planchon, du nom d'un botaniste montpelliérain Jules Emile Planchon, qui en greffant des ceps importés d'Amérique a réussi à lutter contre ces parasites et à sauver la viticulture régionale.
Il est généralement convenu que dans la dernière partie du XXème siècle, après les années 1980, et après plusieurs crises de surproduction et la concurrence des vins "en provenance de divers pays de la communauté européenne", de grands efforts de qualité ont été faits dans le vignoble du Languedoc-Roussillon, ce qui a nettement revalorisé ces vins et leur image, jusqu'à permettre la définition de plusieurs AOC. Aujourd'hui, il semble que la région des vins du Languedoc soit la première de France pour la production et l'exportation, comme l'indique le magazine Capital.
En fait il est assez difficile de s'y retrouver dans les diverses appellations des vins de Languedoc-Roussillon, qui évoluent en outre constamment depuis quelques années, et malgré des recherches approfondies, je n'ai pas vraiment réussi à me faire un tableau complet des appellations viticoles régionales.
On pourra se référer au site du Conseil Interprofessionnel des Vins du Languedoc pour avoir un aperçu, sachant qu'il existe bien d'autres sites qui présentent la situation assez différemment, par exemple le Guide des Vins du Figaro ou le Dico du Vin. Un seul exemple de ce flou: le CIVL distingue 23 appellations d'Origine Contrôlée (AOC) dans sa rubrique "Grands Vins", le Figaro en liste 34 mais en distinguant toutes les sous-appellations de l'AOC Languedoc, le Dico du Vin en distingue 36, sans dire clairement si cela inclut ou non l'AOC générique Languedoc.
En gros, je comprends que les AOC du Languedoc peuvent être classés dans les catégories suivantes:
Les vins doux naturels: ce sont les 4 AOC de Muscat déjà citées, pour 3 d'entre eux (Frontignan, Mireval et Lunel) produits dans l'Hérault près de Montpellier, le quatrième, Saint Jean de Minervois, étant un peu plus loin, à la limite du Haut Languedoc. A noter que le muscat de Rivesaltes n'est pas considéré comme un vin du Languedoc, mais comme un vin du Roussillon, comme tous les Rivesaltes.
Les vins effervescents: ce sont des vins de Limoux, produits au Sud de Carcassonne, typiquement la blanquette de Limoux.
Les vins dits tranquilles, rouges, rosés ou blancs qui ont soit une AOC spécifique qui garantit leur production sur un territoire donné, soit une AOC générique dite l'AOC Languedoc (anciennement Coteaux du Languedoc) qui regroupe différents territoires. Pour compliquer un peu les choses, les vins de l'AOC Languedoc peuvent parfois compléter cette appellation par leur lieu de production, ce qui en fait quasiment des AOC distinctes, tout en étant régies par le cahier des charges commun fixé par décret.
Parmi les AOC bénéficiant d'un classement AOC propre, on trouve notamment les appellations suivantes: AOC Corbières, AOC Corbières-Boutenac, AOC Faugères , AOC La Clape , AOC Cabardès , AOC Clairette du Languedoc , AOC Fitou, AOC Malepère, AOC Minervois , AOC Minervois-La Livinière , AOC Saint-Chinian , (avec ses variantes Saint-Chinian Berlou et Saint-Chinian Roquebrun), AOC Terrasses du Larzac, AOC Picpoul de Pinet. Les deux dernières citées ont pris très récemment leur autonomie par rapport à l'AOC Languedoc.
L'AOC Languedoc, qui est donc une AOC générique regroupant un certain nombre de vins assez différents, est régie par un décret du 30 avril 2007 créant l'appellation Languedoc, et modifiant le décret du 24 décembre 1985 qui définissait l'AOC des Vins des Coteaux du Languedoc. A la lecture de ces décrets, je crois comprendre que l'appellation AOC Languedoc concerne maintenant en fait seulement des vins rouges et rosés.
Les indications géographiques complémentaires qui permettent de distinguer certains vins parmi tous ceux de cette AOC sont notamment : Cabrières, Grés de Montpellier, La Méjanelle, Montpeyroux, Pézenas, Pic Saint Loup, Quatourze, Saint-Christol, Saint-Drézéry, Saint-Georges-d’Orques, Saint-Saturnin, Sommières.
En dehors de ces AOC ou (AOP selon une terminologie européenne), on trouve naturellement tous les autres vins, qui ne sont pas AOC car ne correspondent pas à une aire géographique protégée ou ne respectent pas le cahier des charges correspondant, et qui sont généralement appelés Vins de Pays. Ainsi dans certaines appellations, comme l'AOC Languedoc-Pic Saint Loup, les vins rouges et rosés bénéficient de l'AOC, mais le blanc est considéré comme un simple vin de pays. Cela ne veut pas dire qu'il soit moins bon, au contraire. Mes premières dégustations oenologiques m'amènent à penser que les vins blancs de cette région, notamment les vins de certains cépages, sont souvent très bons, alors que les rouges ne peuvent pas vraiment se comparer à un bon Bordeaux ou Bourgogne!
L'un des meilleurs rouges que j'ai goûtés dans la région, reste le Fusionel (sic) servi au restaurant Tête à Tête de Lattes. Il fait partie de l'appellation Faugères qui est donc une AOC qui mérite notre intérêt.
Heureusement pour s'orienter à travers ces complexités théoriques, nous avons une superbe infrastructure à Lattes, appelée le Mas de Saporta. C'est un grand complexe consacré aux vins de l'AOC Languedoc, la Maison des Vins de Languedoc.
Les viticulteurs y trouvent différents services professionnels, par exemple pour la formation ou pour organiser des séminaires, et le grand public y trouve surtout un restaurant et une grande boutique viticole où les vendeurs prodiguent des conseils utiles.
En outre pendant l'été, tous les mardis soirs, s'y déroulent les Estivales du Mas de Saporta: c'est une sorte de grande soirée conviviale avec quelques animations musicales, autour d'un certain nombre de stands de dégustation de vin, et de stands proposant des produits cuisinés régionaux.
A l'entrée on paie 5€, on reçoit alors un verre (vide) et 2 tickets pour remplir deux fois le verre de vin. (2 verres, ça va ?). Mais avant de le faire remplir, on peut déguster à volonté (en petites quantités) chez les différents producteurs pour comparer les vins et choisir les deux qu'on boira en échange de l'un des tickets. Et tout cela peut être accompagné d'assiettes et de petits plats régionaux, du genre huîtres de Bouzigues, charcuterie des Cévennes, Pélardons, miel, pain de campagne, olives et huiles d’olive, tapenade... proposés par leurs producteurs à des prix plutôt modérés. L'un des stands qui a le plus de succès propose des beignets d'oignons, faits avec des oignons doux de Valleraugue, encore un produit AOC.
Ces estivales attirent à Lattes un public très nombreux. Attention seulement à l'accès par la route de Palavas (RD 986) où les travaux de doublement autoroutier et de contournement ferroviaire compliquent les choses, et rendent la signalisation un peu déficiente. Il faut bien viser entre les multiples échangeurs et giratoires la première fois qu'on y va.
En définitive, nous n'allons certes pas nous constituer une cave avec les vins du Languedoc, mais en consommer occasionnellement pour accompagner - avec modération - nos repas les plus élaborés. Jusqu'ici nous avons apprécié les muscats à l'apéritif (en se permettant d'y mettre des glaçons quand il fait chaud), un vin rouge au restaurant (le Fusionel qui est un des grands vins de l’appellation Faugères), certains rosés pour accompagner les barbecues (bien que de façon générale je ne sois pas un grand amateur de vins rosés), notamment celui du Pic Saint Loup de l'appellation AOC Languedoc, et pas mal de vins blancs - la plupart sans appellation - surtout quand ils proviennent de cépages Chardonnay, par exemple celui qui est produit au CAT de Maguelone. Une mention spéciale pour le Picpoul de Pinet, un AOC de pur cépage picpoul, qui accompagne très bien les huîtres (forcément de Bouzigues, un produit local).
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