mercredi 27 janvier 2016

Lattara

Lattara est un nom que l'on trouve souvent à Lattes, par exemple la médiathèque s'appelle "Espace Lattara". 


Lattara est en fait le nom antique de Lattes,  en tous cas d'une cité qui a existé depuis la fin du néolithique et durant l'antiquité, et qui s'étendait pratiquement juste à côté de notre villa.













On trouve aujourd'hui sur ce site un grand espace de fouilles archéologiques et un magnifique musée, le musée Henri Prades, du nom d'un archéologue amateur qui a découvert à Lattes une partie des vestiges qui figurent donc dans le musée qui porte son nom.


On va tenter de résumer ici les grandes lignes de cette riche histoire jusqu'à l'époque romaine, en se basant sur l'ouvrage de Michel Py, directeur de recherche au CNRS, qui semble être le grand spécialiste de Lattara.

Remarquons quand même que la fille de Henri Prades anime un site web qui critique Michel Py, et l'affuble de tous les noms (singeries, escroqueries...) en l'accusant de vouloir s'emparer du site de Lattes, et en quelque sorte d'être un usurpateur par rapport aux découvertes de son père. Son crime principal semble en fait être d'avoir voulu baptiser le musée archéologique de Lattes du nom de "musée Lattara", au lieu de conserver le nom "musée Henri Prades". Quoiqu'il en soit, l'ouvrage de Michel Py  semble être un ouvrage de référence (345 pages denses et illustrées),  et qui se présente comme une vraie somme sur les connaissances disponibles en 2009 sur la Lattara antique, même si les fouilles et les recherches se poursuivent et peuvent encore remettre en cause à l'avenir beaucoup d'hypothèses actuelles. Michel Py anime d'ailleurs un site de ressources sur Lattara pour les archéologues.


Le littoral autour de nous aurait donc été colonisé dès le milieu du néolithique, environ 4.000 ans avant JC. Le littoral n'était alors pas exactement au même endroit qu'aujourd'hui, le niveau de la mer et des alluvions ayant changé au cours du temps, mais il y avait déjà un système d'étangs, et les cours d'eau du Lez et de la Vidourle structuraient cet espace. On a trouvé des traces d'habitats, voire de petits villages de cabanes, à plusieurs endroits de Lattes.


Ensuite au néolithique final, notamment à partir de 3.000 ans avant JC, le site semble déserté, probablement lié au fait que le Lez évolue à travers un système de méandres dont les inondations fragilisent tout ces peuplements. Il semble connaître une petite reprise au bronze final (1.300 avant JC) et surtout à l'âge de fer (à partir de 700 avant JC).

Une première agglomération se développe dans le quartier de la Cougourlude (aujourd'hui dans Lattes) à la fin du premier âge de fer (500 avant JC).


C'est dans cet environnement déjà un peu colonisé, mais sur un site qui était alors sans doute inoccupé, que fut fondée la cité de Lattara. Et pour les archéologues, l'acte fondateur de cette cité est la construction d'une enceinte fortifiée, à l'intérieur de laquelle les habitations ont trouvé place sous forme d'un cité dotée d'un plan urbain, et non plus d'établissements agricoles plus ou moins isolés. On estime que cela s'est passé vers 510 avant JC. L'hypothèse qui prévaut sur la fondation de la cité est celle de l'installation de colons étrusques, ce qui semble expliquer le "saut technologique et urbain" qui s'est produit par rapport aux peuplements autochtones. Les Etrusques auraient créé ici un port et s'y seraient installés pour se livrer au commerce.

Vers 475 avant JC le site semble cependant avoir connu une catastrophe qui a tout détruit, et nécessité alors une reconstruction du mur d'enceinte et de la cité selon un nouveau plan d'urbanisme. A ce moment-là les traces de la culture étrusque s'effacent et  l'on repasse dans une culture autochtone, des Gaulois sous l'influence de Marseille (Massalia) et de la culture grecque. Si on associe donc souvent Lattara aux Etrusques, force est de constater que ceux-ci se sont contentés de fonder la ville et n'y sont guère restés plus de deux générations.


Le ministère de la culture, qui classe Lattes parmi les grands sites archéologiques français, diffuse un site web très éducatif et bien fait sur la Lattes gauloise, une animation qui est d'ailleurs plus facile à suivre sur son ordinateur que dans le musée Henri Prades.


Aux III ème et IIème siècle avant notre ère, l'expansion de Lattara se poursuit, notamment hors des fortifications vers le Nord.

En 125 avant JC, les Marseillais qui dominent encore la région font appel aux Romains pour mater leurs voisins menaçants, les Voconces et les Salyens. Mais le consul Domitius Ahénobarbus qui dirige l'opération militaire ne se contente pas de sécuriser Marseille; il en profite pour conquérir tout le Languedoc et fonder Narbonne en 118 avant JC. C'est dans ce contexte que Lattara intègre l'empire romain, et se trouve très proche de la via Domitia qui relie Narbonne au Rhône, et dont 5 bornes milliaires sont conservées au musée de Lattes.













On trouve une citation chez Pline l'Ancien qui évoque les étangs proches de Lattara, en citant le stagnum latera:

Il y a dans la province de Narbonne, au territoire de Nîmes, un étang appelé Latera, où les dauphins pèchent de société avec l'homme. Un nombre infini de muges, à une époque fixe, se précipite dans la mer par l'ouverture étroite de l'étang, au moment du reflux : cela fait qu'on ne peut tendre des filets, qui ne résisteraient pas à un pareil poids, quand même le choix du moment ne favoriserait pas les muges:

[2] aussi ces poissons se rendent-ils en toute hâte dans une mer profonde que forme un gouffre voisin, et ils se pressent de fuir du lieu seul propre à recevoir des filets Dès que les pêcheurs s'en sont aperçus, tout le peuple (car une foule immense, connaissant l'époque et surtout avide de ce plaisir, s'est réunie), tout le peuple, dis-je, à grands cris appelle du rivage Simon à l'affaire et au spectacle.

[3] Les dauphins entendent bientôt qu'on a besoin d'eux, le vent du nord portant rapidement la voix de leur côte, lèvent du midi la retardant. En tout cas, ils ne font pas attendre leur secours. On les voit arriver en bataille, et prendre aussitôt position là où l'action va s'engager : ils coupent aux muges le chemin de la haute mer, et, les effrayant, les repoussent dans les bas-fonds. Alors les pécheurs jettent leurs filets, et les soulèvent avec des fourches : néanmoins les muges, agiles, les franchissent; mais les dauphins fondent sur eux, et, se contentant pour le moment de les tuer, remettent à les manger après la victoire.

[4] L'affaire est chaude : les dauphins, qui poussent vigoureusement leur pointe, se laissent enfermer dans les filets ; et pour que leur présence ne presse pas la fuite de l'ennemi, ils se glissent entre les barques, les filets on les nageurs, avec assez de ménagement pour ne pas ouvrir une issue aux muges. Ils ne font aucun effort pour s'échapper par des sauts (ce qui est ordinairement leur amusement favori), avant qu'on abaisse les filets devant eux ; sortis, ils combattent aussitôt devant l'enceinte. Enfin, la pèche terminée, ils dévorent ceux qu'ils ont tués; mais, sentant qu'ils ont rendu trop de services pour ne recevoir de salaire qu'un seul jour, ils attendent au lendemain, et se rassasient non seulement de poissons, mais aussi de pain trempé dans du vin.

Pendant la période romaine, Lattara devient l'une des 24 bourgades de la cité de Nîmes. Le port devient un élément important  notamment pour le commerce du vin. A partir d'environ 200 ans après JC, la ville de Lattara semble décliner et finir par disparaître. On en attribue parfois la cause au colmatage du port par les alluvions du Lez. Mais une autre hypothèse serait tout simplement que Maguelone aurait pris le relais de la croissance urbaine à partir de cette époque. (Voir mon article sur la cathédrale de Maguelone).


En tous cas, ce passé antique a marqué le territoire de Lattes. On y trouve plusieurs sites archéologiques qui créent aussi des espaces urbains non constructibles, plus ou moins consciemment peut-être aussi utiles comme bassins d'expansion des crues lors de certains épisodes cévenols. On ne s'en plaindra pas.


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