mardi 25 octobre 2016

Inondations


En ce mois d'octobre 2016 nous venons de connaître plusieurs épisodes pluvieux intenses. L'un d'eux a même été classé en vigilance rouge par Météo France et effectivement nous avons connu pendant au moins 36 heures une pluviométrie soutenue mi-octobre. On a évoqué 200 mm d'eau de précipitations, ce qui me paraissait vraisemblable à en juger par le remplissage des pots et arrosoirs restés dans notre jardin.


Pour évaluer cela de façon plus scientifique, on peut se reporter à la station hydrologique  de la 3ème écluse sur le Lez, qui est très proche de nous.


On constate ici que l'épisode pluvieux qui a démarré le 12 octobre à 18 heures jusqu'au 14 octobre à 12 heures nous a amené au total environ 160 mm de pluie, soit un peu moins que l'estimation populaire, mais néanmoins quand même beaucoup. Quand on sait que notre terrain fait environ 700 m², ce sont donc 112 m3 d'eau qui se sont déversés dessus, soit plus de 2 fois le contenu complet de notre piscine.

Heureusement tout cela s'est évacué sans problèmes, en partie dans le jardin, et en partie dans le caniveau de la rue, donc dans le réseau des eaux pluviales de Lattes, même si comme on le voit par exemple sur Google maps en 2012, la pente de la rue fait monter le niveau d'eau dans le caniveau. C'est rassurant, car chaque fois que nous disons où nous habitons, on nous dit que c'est dans le lotissement Fillies, où dans les années 1975 le réseau d'eau pluviale n'a pas été bien conçu. A supposer que ce soit vraiment le cas, le réseau semble aujourd'hui capable d'absorber quand même pas mal d'eau. C'est important car à Montpellier et sa région, encore en 2014 et 2015, les dégâts d'inondation étaient pour une bonne part dues aux eaux de ruissellement qui formaient des torrents dans les rues en pente. Dans notre quartier de Lattes pour l'instant il n'y a rien de tel, et comme toute la zone est vraiment très plate, il n'y a aucune raison de craindre que les eaux de pluie des autres quartiers dévalent chez nous. Il faut juste s'assurer que les pluies qui tombent chez nous s'évacuent normalement. Et jusqu'ici c'est le cas.


Une toute autre question est celle des crues de rivières, qui peuvent sortir de leur lit et provoquer des inondations. A Lattes c'est une question très importante, car la commune est traversée par plusieurs rivières (ou fleuves côtiers) qui historiquement sont sortis de leur lit et ont provoqué des inondations parfois catastrophiques. Ce sont en effet des "crues cévenoles" ou "crues méditerranéennes" extrêmement subites et violentes, où un petit filet d'eau peut se transformer très rapidement en un torrent dévastateur.


On trouve sur le net une base de données des décrets classant les communes en état de catastrophe naturelle. C'est une procédure qui n'existe que depuis 1982, les grandes crues historiques plus anciennes n'y figurent donc pas. Pour Lattes, on y recense 17 décrets, presque tous pour des catastrophes inondations et coulées de boue, soit pratiquement un tous les deux ans:


Les crues les plus marquantes à Lattes ont été dues au Lez, fleuve côtier qui descend des Cévennes, en prenant sa source au nord de St Clément de Rivière, traverse Castelnau le Lez, Montpellier, Lattes et se jette dans la mer à Palavas-les-Flots. Sur ses 29,6 km il est capable de faire pas mal de ravages quand il se met en colère. Il faudrait aussi citer la Mosson, affluent du Lez, mais si celle-ci reste un risque pour certains quartiers à l'ouest de Lattes, notamment Maurin, elle ne semble guère affecter Lattes-centre. On se concentrera donc sur le Lez.


Le Lez a connu dans l'histoire récente des crues violentes , par exemple en 1933 où il a fait des dégâts et 9 morts à Lattes. A l'époque il n'y avait pourtant que très peu d'habitants dans notre commune. Une autre date citée par Météo-France concerne la grande crue de 1976.


En 2003, une grande inondation atteint un certain nombre de quartiers de Lattes, si bien que la polémique sur la sécurité des digues monte dans le Midi Libre. En 2005, Lattes n'est pas gravement inondée lors de la grande crue du Lez, mais l'alerte générale est à nouveau donnée, car les digues qui protègent le centre ville de Lattes manifestent des faiblesses, et on considère que Lattes a évité de justesse une catastrophe majeure. Même si les associations, hommes politiques et médias exagèrent toujours un peu, les esprits ont été frappés par un article de l'hebdomadaire Marianne disant qu'il aurait pu y avoir 300 morts. En fait, ce chiffre n'est qu'une extrapolation hasardeuse du contenu d'un rapport de l'inspection générale de l'environnement de juillet 2006, établi par Philippe Quèvremont, rapport qui ne parle pas de morts, mais qui est tout de même très alarmiste sur les conséquences qu'aurait une inondation sur Lattes-centre si l'on ne faisait rien.


Heureusement tout cela a mobilisé les responsables politiques, si bien qu'a été engagé à Lattes l'un des plus gros chantiers de protection contre les inondations de ces dernières années en France, en suivant les préconisations de M. Quèvremont. Les travaux, souvent qualifiés de titanesques, ont consisté essentiellement en deux choses: un important renforcement des digues du Lez et de quelques affluents au droit des habitations  de la commune, et l'aménagement d'un chenal de dérivation utilisant le lit de la rivière Lironde, qui permet de faire passer une partie de la crue du Lez directement dans l'étang du Méjean, en court-circuitant la partie aval du Lez. Les travaux achevés en 2015 ont coûté 48 millions d'euros.


Il est convenu maintenant de considérer que le problème des inondations du Lez à Lattes est maîtrisé, comme le titre le journal la Marseillaise en 2014. C'est bien sûr vrai seulement sous certaines conditions: d'une part il faut que les digues et le chenal soient suffisamment bien entretenus et gérés. D'autre part il faut que la crue ne soit pas tellement exceptionnelle qu'elle dépasse le niveau des digues. En gros, les digues ont été dimensionnées pour faire face à une crue de 900 m3/seconde, ce qui est aujourd'hui l'estimation du débit  de la crue centennale, et environ deux fois le débit des fortes crues de 2003 et 2005.


Si on en croit la page 44 du rapport de présentation du Plan de Prévention des Risques Inondation de Lattes, lors de cette crue environ 570 m3/s d'eau passera dans le cours du Lez au niveau de Lattes,  250 m3/s passeront dans le chenal de la Lironde après le répartiteur, le reste produisant des débordements locaux en amont du répartiteur, dans des zones d'épanchement des crues notamment près de l'autoroute A9. Par voie de conséquence, le même document montre que si par malheur la crue était plus forte, par exemple à 1.500 m3/s, alors 120 m3/s d'eau déborderaient des digues du Lez et inonderaient une partie de Lattes.


Les cartes de risque d'inondation publiées par le site eaufrance permettent de comprendre quels quartiers de Lattes seraient inondés dans chaque cas de figure. Dans le cas de la crue centennale du Lez, qui correspond au scénario moyen de ces cartes, on trouve que Lattes centre, et notamment les villas proches des arènes, sont totalement hors d'eau. Seuls quelques quartiers périphériques auront parfois entre 0 et 1 m d'eau, notamment celui qui est le plus proche de la Lironde.


Dans le cas du scénario extrême, la zone inondée est naturellement plus étendue et arrive à la limite jusqu'à notre villa qui pourrait alors recevoir entre 0 et 50 cm d'eau. Ce qui est rassurant, c'est que ce scénario correspond à une crue millénale, qui se produit donc  en moyenne une fois tous les mille ans.

En conclusion, par rapport aux crues du Lez le risque d'inondation qui nous guette est suffisamment minime pour qu'il ne nous inquiète pas, mais il n'est pas tout à fait nul.


Le Plan de Prévention des Risques d'Inondation de Lattes classe notre quartier, tout comme  la plus grande partie du centre de Lattes, en zone blanche, dite Z1, appelée zone de précaution. C'est une manière de dire que c'est bien en zone blanche, donc qu'il n'y a pas de risque pour la crue de référence qui a servi à bâtir le Plan, ni d'inconstructibilité, mais qu'il faut néanmoins respecter quelques précautions en matière d'urbanisme pour le cas où une crue plus forte se produirait.


Ces précautions sont définies par le règlement du PPRI et consistent:
- à y interdire la construction de bâtiments stratégiques (caserne de pompiers, gendarmerie...)
- à compenser pour partie l'imperméabilisation des sols de toute nouvelle construction, sauf les maisons individuelles,
- à dimensionner le réseau d'eau pluviales au moins au débit décennal pour éviter une surcharge de ruissellement


Après les eaux pluviales et les crues du Lez, il reste une dernière question à examiner qui est celle des submersions marines. Notre villa à Lattes n'est en effet qu'à 5 kilomètres à vol d'oiseau de la mer Méditerranée, et à 1,6 km des étangs qui communiquent avec la mer. L'altitude moyenne de la commune n'est qu'à 3 mètres au-dessus du niveau de la mer. On peut donc se demander si par grosses tempêtes il y a un risque d'inondation venue de la mer.


La réponse se trouve à nouveau dans les cartes de risque d'inondation du site eaufrance. Pour un événement extrême, les submersions marines couvriraient tout le sud de Lattes-centre, mais s'arrêteraient juste derrière notre villa, à peu près au niveau du site archéologique. Donc de ce côté cela va bien aussi, même si, avec le changement climatique et l'élévation du niveau de la mer, la situation peut évoluer d'ici quelques décennies.


Pour finir sur ce sujet, il est amusant d'observer l'évolution de la communication publique sur le risque d'inondation à Lattes, grâce à la thèse d'une étudiante en sociologie du Cemagref, Séverine Durand. Elle compare à trente ans d'intervalle (1980 vs 2010) comment le journal municipal de la ville de Lattes parle du risque d'inondations. On y apprend  au passage qu'au début du XXème siècle les habitants de Lattes étaient appelés « Lous manja-mouissaus », c'est à dire les mangeurs de moustiques, mais c'est une autre histoire.


Ce qui est frappant dans l'étude de Mme Durand, c'est que sur la première période le journal municipal de Lattes fait constamment référence aux catastrophes historiques qu'a connues Lattes. Si le fleuve Lez est présenté comme une source de vie, on rappele aussi constamment qu'il peut être source de mort:« Le Lez : c’est la vie... mais Thanatos rôde toujours ». A l'opposé, l'évocation de l'histoire tourmentée des inondations a complètement disparu trente ans après, et s'y est substitué un discours technique sur les travaux à faire pour maîtriser les crues et montrer le volontarisme des élus locaux en la matière.

On peut cependant noter que le syndicat intercommunal SYBLE chargé de gérer le Lez, et présidé par Cyril Meunier, le maire de Lattes,  organise en octobre 2016 une exposition de photos à l'espace Lattara de Lattes où on montre bien quelques inondations récentes sur la commune et ailleurs. Maintenant que le Lez semble relativement dompté, il s'agit sans doute de reprendre plus sereinement un discours public sur les risques qui lui sont liés.


Car dans le PAPI2 du Lez, c'est-à-dire le 2ème Programme d'actions de Prévention  des Inondations, qu'a élaboré le Syble, figure en 1ère place l'objectif de sensibiliser les populations au risque d'inondations. Il serait donc assez incohérent de se contenter de claironner partout  qu'il n'y a plus de risque et qu'on peut tous dormir tranquilles.

dimanche 9 octobre 2016

Frédéric Bazille


Depuis plusieurs semaines la ville de Montpellier est toute décorée aux couleurs du peintre Frédéric Bazille. On a vraiment l'impression qu'une grande opération de marketing essaie de lancer ce peintre montpelliérain du XIXème siècle, un peu comme on lancerait une nouvelle savonnette. Des tramways ont été entièrement repeints en son honneur, l'office du tourisme de Montpellier organise des circuits de visite sur les traces de Frédéric Bazille, une application pour téléphone portable peut aussi être téléchargée, et toute la presse parle de l'illustre homme.



Le prétexte de cette promotion est fourni par une grande exposition qui est consacrée à Frédéric Bazille au musée Fabre de Montpellier. Ce musée des beaux-arts est en quelque sorte pour Montpellier ce que le musée du Louvre est à Paris. Il expose dans un grandiose bâtiment situé sur l'Esplanade de Montpellier une impressionnante collection permanente d’œuvres d'art, essentiellement de la peinture et des sculptures. Et il organise parallèlement des expositions temporaires.

L'exposition temporaire actuelle, depuis le 25 juin 2016 jusqu'au 16 octobre 2016, est donc consacrée à Frédéric Bazille, né en 1841 à Montpellier et mort en 1870 au front de Beaune-la-Rolande, près d'Orléans où il était engagé volontaire. Elle est sous-titrée: "La Jeunesse de l'Impressionnisme". C'est une rétrospective internationale que le musée Fabre a organisée avec le musée d'Orsay à Paris et la National Gallery of Art de Washington. L'exposition voyagera d'ailleurs dans ces deux musées prestigieux: du 15 novembre 2016 au 5 mars 2017 à Paris, puis du 9 avril au 9 juillet 2017 à Washington. Le prix d'entrée au musée Fabre est de 10 €, mais avec le Pass'Métropole on peut avoir le tarif réduit de 9 €.

Un exemple de la bazillomanie qui a saisi Montpellier est la programmation de l'orchestre philharmonique de Montpellier, dont le concert du 30 septembre dernier était intitulé "Esprit Second Empire" et qui a été consacré à deux contemporains de Frédéric Bazille: Hector Berlioz (1803-1869) et Johannes Brahms (1833-1897). Pendant le concert étaient projetées sur la scène du Corum des images de tableaux du musée Fabre, et notamment de l'exposition Bazille.


On voit donc qu'aucun effort n'a été épargné pour donner à cette exposition un grand retentissement, et par là-même essayer de donner à Frédéric Bazille une renommée nationale voire internationale, lui qui était jusqu’alors encore un peu considéré comme un peintre régional de second ordre. Quand on lit le catalogue de l'exposition, on comprend l'ambition: ce n'est pas la première fois que la famille, les amis, les amateurs et aussi quelques collectionneurs ou marchands d'art essaient de lancer Frédéric Bazille mais sans y arriver auprès du grand public.


Paul Perrin, conservateur des peintures du musée d'Orsay, signe dans ce catalogue un article intitulé "La gloire de Frédéric Bazille commence à peine". Il explique en substance que Frédéric Bazille, mort à 29 ans, n'a pu consacrer que huit années à la peinture, a peint en tout seulement une soixantaine de tableaux, n'en a vendu aucun de son vivant et n'en a exposé que cinq au Salon des peintres à Paris. Sa réputation n'était pas nulle mais insuffisante pour que sa célébrité survive à sa mort. D'ailleurs dans ses nécrologies, purement locales, on ne parle pas de la disparition d'un artiste-peintre, mais de celle du "fils de l'honorable président de la chambre d'agriculture". C'est en effet son père Gaston qui était une personnalité locale, une figure de la bourgeoisie protestante de Montpellier, qui a fait fortune dans l'orfèvrerie, le négoce puis la viticulture. Il a été adjoint au maire de Montpellier.

C'est sur ce terreau un peu aride que pas à pas ses défenseurs ont essayé de construire sa renommée. Il fallait d'abord un peu mieux diffuser les œuvres qui étaient presque toutes restées dans les mains de la famille. Judicieusement la famille a fait des donations à quelques musées comme le musée Fabre à Montpellier, mais aussi plus tard au musée  de Harvard aux USA, dans l'intention de les intéresser à l'artiste. La plus grande toile de Frédéric Bazille, qui est aujourd'hui aussi la plus célèbre, "La réunion de famille", a pour sa part été vendue pour 100 francs symboliques à l'Etat français, et confiée au musée du Luxembourg à Paris. Plus tard d'autres toiles ont encore été données au musée du Louvre. La famille prête aussi volontiers des peintures pour des expositions organisées ici ou là, même si les critiques ne donnent alors qu'une place mineure à Bazille, le présentant parfois comme un petit disciple d'Edouard Manet, au mieux comme un vague précurseur des grands impressionnistes.


A Montpellier la tombe de l'artiste au cimetière protestant de Montpellier a été décorée en 1874 d'un imposant monument funéraire avec un buste de l'artiste. Mais j'y suis passé récemment et j'ai pu constater que malgré la ferveur actuelle en faveur de Frédéric, aucune rénovation de sa plaque presque illisible, même aucune fleur, ne mettait en valeur le tombeau. On m'a prétendu que cela traduisait la rigueur protestante de la famille !?


En 1910, son frère Marc Bazille réussit à organiser une grande exposition rétrospective sur Frédéric Bazille au Salon d'Automne de Paris. Les 23 œuvres exposées retiennent l'attention des artistes et spécialistes, mais pas du tout du grand public. La critique le considère encore comme un artiste de second rang, certes prometteur, mais dont la mort trop précoce n'aurait pas permis de donner la mesure de son talent.

Une plaque sera posée en 1928 sur la façade de sa maison natale, l'hôtel Périer,  à Montpellier dans la Grand Rue Jean Moulin.


Dans les années 1930, le succès grandissant des peintres impressionnistes, notamment Claude Monet, Edouard Manet ou Auguste Renoir, est parfois l'occasion d'évoquer Bazille. Il les a fréquentés, parfois même subventionnés grâce à l'argent que ses parents lui octroyaient croyant qu'il faisait des études de médecine,  et il a fait un portrait de Renoir. Mais ce n'est toujours pas la gloire, seulement son ombre.


Le relais est pris par les milieux artistiques protestants ou languedociens qui organisent des expositions à Paris ou à Montpellier, notamment pour le centenaire de sa naissance en 1941. Le retentissement reste local et certains critiques jugent que "la réputation qui est faite à Frédéric Bazille est sinon excessive, du moins largement suffisante". Frédéric Bazille risque désormais d'être cantonné dans l'image d'un peintre régional du protestantisme languedocien, alors qu'il a fait toute sa carrière d'artiste-peintre en rupture avec sa famille de Montpellier pour travailler à Paris au contact des ceux qui allaient devenir les plus grands peintres impressionnistes, réputés dans le monde entier.


Après guerre, c'est le marchand d'art Wildenstein qui consacre en 1950 une grande exposition à Bazille dans sa galerie parisienne. Il réunit une cinquantaine de tableaux, provenant bien sûr surtout de la collection familiale, et dont beaucoup n'avaient encore jamais été exposés. C'est dans le catalogue de cette exposition que figure la phrase, encore presque valable plus de 65 ans après: "La gloire de Frédéric Bazille commence à peine". Bien que les Wildenstein aient mis le paquet sur cette expo, avec un numéro spécial de la revue "Arts" et l'ambition d'en faire l’événement artistique de l'année à Paris, elle n'a pas non plus connu de succès public. Beaucoup d'amateurs flairant une opération commerciale sont restés chez eux.


Qu'en sera-t-il de cette triple exposition de Montpellier, Paris et Washington ? Est-ce que cette fois sera la bonne pour que Frédéric Bazille partage un peu de la gloire de ces impressionnistes dont il a partagé la vie et l'oeuvre ? Eh bien, j'ai envie de répondre oui, au vu de l'exposition que nous avons pu visiter au musée Fabre. C'est en effet pour moi une découverte très saisissante.


Je préfère ne pas faire de grands développements ici sur l'art de Frédéric Bazille, car ils seraient assez pauvres à côté de tout ce qu'on peut lire actuellement sur l'artiste. Retenons simplement que c'est un maître des contrastes d'ombre et de lumière, sans aller jusqu'à la fragmentation de la touche qui sera la marque de l’impressionnisme. Il est également l'un des premiers, sinon le tout premier de son époque, à avoir fusionné le portrait et le paysage, en peignant des portraits en extérieur, mêlant la sensualité des personnages à la quiétude des paysages, souvent sous le soleil languedocien.


L'exposition qui fait dialoguer une cinquantaine de tableaux et dessins de Frédéric Bazille avec plusieurs toiles  de Monet, Cézanne, Sisley ou Renoir, le fait assurément entrer dans le cour des grands. Plusieurs toiles marquantes doivent notamment être connues de tout amateur de peinture sérieux. Mon choix se portera surtout sur les tableaux les plus emblématiques:


La robe rose (1864): ce premier portrait, et pris quasiment de dos, en extérieur, devant le village de Castelnau-le-Lez, montre une palette de couleurs ocres et orangés tout à fait remarquable.


Les remparts d'Aigues-Mortes du côté du couchant (1867) semble un tableau d'une grande simplicité, mais qui rend magnifiquement l'atmosphère figée des remparts sous le soleil,  avec une facture très moderne pour son époque, et en tous points comparable à certains tableaux des meilleurs impressionnistes.


La réunion de famille (1867-1868), déjà citée et mise à toutes les sauces, représente la famille Bazille, y compris l'artiste lui-même à l'extrême gauche, dans le domaine familial de Méric, au nord-est de Montpellier. C'est l'un des premiers portraits de groupe en extérieur de la peinture française.


La vue de Village (1868) présente une certaine parenté avec le tableau précédent, mais avec un jeu de lumière  encore plus audacieux en mettant  la jeune fille au premier plan à l'ombre et en inondant de soleil le village de Castelnau-le-lez à l’arrière-plan.


La Scène d'été (1869-1870) est une composition où l'ombre du premier plan fait aussi contraste avec l'arrière-plan plein de lumière. Des jeunes hommes quasi nus, qui se détendent dans différentes activités, donnent une atmosphère très particulière à ce tableau. Comme Frédéric Bazille a peint plusieurs tableaux d'hommes nus et quasiment jamais de femmes nues, et qu'en outre il ne s'était pas marié, certains s'interrogent sur son orientation sexuelle. Mais cela a été contesté et d'ailleurs cela ne nous regarde pas.



Les deux tableaux intitulés  Négresse aux Pivoines (1870) sont cette fois l'occasion d'allier le portrait à une nature morte de fleurs, avec une maîtrise extraordinaire.


La toilette (1870), un des derniers tableaux peints l'année de sa mort, est sans doute une exception dans la mesure où la femme qui fait sa toilette est nue. On est là dans un intérieur très riche et coloré et non plus en extérieur. Ce tableau a fait l'objet de beaucoup de comparaisons, et notamment avec Manet (et son Olympia), Boucher ou Watteau. Pour ma part, il me fait plutôt penser à Ingres.


Tout cela est bien sûr mon impression subjective  et on a le droit de le contester. En tous cas,  il faut se faire son propre jugement, je recommande donc à ceux qui le pourront d'aller voir cette magnifique exposition. Même s'ils ne sont pas convaincus par Frédéric Bazille, ils en sortiront avec des idées nouvelles sur l'histoire de la peinture et sur l'impressionnisme, et c'est déjà beaucoup.


Pour finir, je voudrais évoquer un autre artiste dont le sort posthume me fait un peu penser à la destinée qu'a connue jusqu'ici Frédéric Bazille. Il s'agit du peintre montalbanais Marcel Lenoir. Lui aussi est né, 31 ans après Bazille,  dans une famille d'orfèvres, à Montauban, est allé à Paris fréquenter les artistes de son époque au début du XXème siècle, a fait une oeuvre très originale et remarquable, qui reste cependant totalement méconnue, et qui est détenue pour une grande part dans la famille du collectionneur Claude Namy qui l'expose dans un musée Marcel Lenoir au château de Montricoux en Tarn-et-Garonne.

Souhaitons à Marcel Lenoir de trouver  les soutiens qu'a trouvés Frédéric Bazille, pour que sa gloire puisse un jour commencer.

lundi 3 octobre 2016

Restaurants


Durant le printemps et l'été 2016, les nombreuses visites dont nous avons bénéficié nous ont permis de fréquenter un certain nombre de restaurants locaux. Certains méritent d'être connus.

A Palavas-les-Flots:



J'avais déjà évoqué dans un article sur Palavas le restaurant de poissons la Banane où nous sommes allés en avril dernier.


Nous sommes depuis devenus, grâce aux conseils de ma fille et son mari, des habitués du Poisson Bleu, une poissonnerie qui fait aussi restaurant.


On peut soit manger sur des tables de bistrot au coin des rues Saint-Roch et Simon, devant la poissonnerie, soit aller au restaurant du même nom qui propose un service à table plus classique. On mange évidemment du poisson on ne peut plus frais, ainsi que des fruits de mer de la région. On peut recommander la formule comprenant six huîtres, une tielle sétoise et des sardines grillées, le tout accompagné d'un verre de vin blanc.


Sur les tabourets devant la poissonnerie on peut manger cela avec les doigts en regardant les touristes passer dans la petite rue piétonnière Saint-Roch. A noter que Google Street  View n'a pas encore pu passer dans cette rue!


Précisons ce qu'est la tielle sétoise. Ce n'est certes pas notre plat favori, mais il accompagne bien les sardines grillées: c'est une tourte ronde aux bords cannelés, garnie de poulpes hachés avec une sauce tomate pimentée. A essayer même si on n'est pas fana du poulpe.


Le restaurant du Poisson Bleu pour sa part est sur la place de l'Eglise Saint Pierre. Il semble être ouvert récemment puisque sur les photos de Google Street View apparaît encore une crêperie à cet endroit en 2012.


Nous avons apprécié le service rapide, les beaux plats de poissons grillés (turbot, saint-pierre), avec un accompagnement de qualité, les huîtres pas très chères, et le tout arrosé de picpoul de pinet, le vin blanc sec des bords de l'étang de Thau qui est idéal pour ce genre de menu . On peut noter cependant que le turbot était affiché à 19€ sur l'ardoise des poissons du jour, et quand nous en avons commandé, il ne restait que des turbots de grande taille facturés 24€. Il faut sans doute savoir accepter ce genre d'imprévus si on veut manger du poisson frais du jour.


A Palavas-les-Flots nous avons aussi nos petites habitudes au restaurant Chez Nina. Il est beaucoup plus simple et basique. Il est situé dans la même rue Saint-Roch, sur la place du marché quand on remonte un peu vers la mer: on y mange des brochettes (avec un bon taboulé oriental) ou des moules frites. Leur tiramisu est aussi recommandable. Tout cela est relativement peu cher et servi sur une terrasse assez agréable en été. Pratique quand on revient de la plage.

A Carnon-Plage:



Un peu dans le même style que Chez Nina, mais un cran au-dessus, nous avons mangé des brochettes chez Anisette et Brochettes, un petit restaurant avec terrasse dans la rue parallèle au front de mer, l'avenue Grassion Cibrand. La carte donne l'impression que tout y est très bon marché, du genre 5€ la brochette, mais dès qu'on en prend deux avec un peu d'accompagnement on paie aussi cher qu'un menu complet dans d'autres restaurants. C'était au final correct sans prétendre être de la grande gastronomie.

A Lattes:



J'ai déjà fait tout un article sur le Tête à tête où nous avons conservé nos habitudes.


Pour changer un peu nous avons voulu manger dans l'un des restaurants de Port Ariane. Bien qu'on fût déjà à la fin septembre, pour un samedi midi il s'est avéré que beaucoup de restaurants étaient complets et nous ont refusé faute de réservation.



Nous nous sommes rabattus sur La Bonne Bouille, où nous avons mangé des "planches" très sympas à 15 €, notamment la planche italienne. La qualité de l'accueil est particulièrement à souligner, notre hôtesse s'étant mise en quatre pour disposer des tables et des parasols selon les requêtes un peu compliquées que notre groupe de six personnes avait formulées.

A Montpellier:



C'est incroyable le nombre de restaurants que l'on trouve à Montpellier où l'on peut commander une formule dans la gamme 10 à 20€. Au début de notre séjour lattois nous allions parfois sur l'Esplanade qui prolonge la place de la Comédie où l'on peut manger des plats de brasserie relativement corrects, genre saucisse-frites ou hamburger, ou des salades sympas.


Une grosse déception toutefois pour le Café Riche, place de la comédie, pourtant une institution (depuis 1893 ?) à Montpellier, où une entrecôte-frites s'est avérée presque immangeable, et nonobstant plus chère que les tarifs du voisinage. Depuis cette date, ce café bien en évidence sur la place de la Comédie nous sert parfois de point de rendez-vous, mais nous n'y mangeons plus !



Pour manger dans un cadre plus cosy, on peut rejoindre la place Jean Jaurès, en prenant la rue des Loges qui part de la place de la Comédie, où il y a plusieurs brasseries-restaurants. L'une de celles-ci nous a été recommandée par mon fils: il s'agit de Ma Première Cantine.


Le décor intérieur vaut le coup d’œil, même si on préfère manger dehors pendant les beaux jours. La carte est centrée sur des "tartines" ou des "salades", mais il y a aussi quelques spécialités telles que l'aligot. Je l'ai trouvé toutefois plus sec et globalement moins bon que l'aligot mangé directement dans une ferme-auberge de l'Aubrac ! A noter qu'un deuxième restaurant du même nom est ouvert à l'Odysseum. Peut-être une future chaîne de restaurants qui va se développer ailleurs qu'à Montpellier ?

J'ai gardé pour la fin la meilleure de nos adresses à ce jour dans la région: il s'agit de l'Acolyte, un tout petit bar à vins qui fait aussi restaurant et tapas, situé rue des trésoriers de France, dans l'écusson.  Au premier abord le cadre peut paraître plus austère que beaucoup de joyeux restaurants situés sur des places très animées.


Quand, en outre, on y arrive sans avoir réservé et que les places à l'extérieur sont toutes prises, on doit s'installer sur des tabourets qui semblent peu confortables autour de tables un peu sombres. Ces petites contrariétés s'effacent cependant immédiatement quand arrivent les plats: c'est vraiment une très grande cuisine, savoureuse et raffinée.


Les plats eux-mêmes sont basés sur des classiques de la cuisine traditionnelle, mais souvent revisités et modernisés. Nous avons ainsi goûté des cuisses de grenouille, des coquilles saint jacques sur pain perdu, une excellente chiffonnade de jambon blanc, du poulpe, des rognons, et une terrine de sardines. Tout était de très grande qualité.


Le service était efficace et, ce qui est plus rare, compétent: notre serveur savait nous raconter d'où venaient ses produits et comment ils étaient préparés. Et puisqu'il s'agit au départ d'un bar à vins, il semblait aussi connaître avec précision la provenance et les qualités de tous ses vins, ainsi que les caractéristiques de chacun de leurs viticulteurs. Nous avons pris une bouteille de vin rouge appelée "3.14". C'est un vin de l'appellation Faugères, une des mes préférées dans les rouges du Languedoc, dont le viticulteur s'appelle Jérôme Py.

Ayant fait beaucoup de  mathématiques dans ma jeunesse estudiantine, je ne pouvais qu'apprécier l'allusion au symbole Pi. En outre, nous avions eu l'occasion de rencontrer M. Py et de goûter son vin aux Estivales de Saporta. Malgré la suggestion du sommelier d'en essayer plutôt un autre puisque nous connaissions déjà le 3.14, nous sommes restés en terrain connu pour faire partager ce vin à des amis berlinois, qui -eux- ne le connaissaient pas.


Terminons ce petit tour d'horizon par un agacement qui va croissant, car il concerne plusieurs des restaurants cités, y compris les meilleurs: je veux dénoncer ici la tyrannie des eaux minérales à fines bulles. Dans les restaurants de la région, lorsqu'on commande de l'eau minérale, on ne vous sert que de la Badoit finement pétillante, ou du Perrier à fines bulles.

Or ces eaux à fines bulles ne sont pas du tout de mon goût. J'ai l'impression de boire de l'eau minérale éventée, qui ne pétille presque plus.

La plupart du temps, ces restaurants n'ont rien d'autre à offrir: pas de San Pellegrino avec ses belles bulles, pas de Badoit ou de Perrier normalement pétillante. Pour moi, une seule réaction chaque fois que je tombe sur ce cas, hélas de plus en plus fréquent: je renonce à toute eau minérale et je demande une carafe d'eau du robinet. C'est bien dommage quand on offre un grand choix de vins de n'avoir qu'une eau minérale gazeuse insipide.