mardi 25 octobre 2016

Inondations


En ce mois d'octobre 2016 nous venons de connaître plusieurs épisodes pluvieux intenses. L'un d'eux a même été classé en vigilance rouge par Météo France et effectivement nous avons connu pendant au moins 36 heures une pluviométrie soutenue mi-octobre. On a évoqué 200 mm d'eau de précipitations, ce qui me paraissait vraisemblable à en juger par le remplissage des pots et arrosoirs restés dans notre jardin.


Pour évaluer cela de façon plus scientifique, on peut se reporter à la station hydrologique  de la 3ème écluse sur le Lez, qui est très proche de nous.


On constate ici que l'épisode pluvieux qui a démarré le 12 octobre à 18 heures jusqu'au 14 octobre à 12 heures nous a amené au total environ 160 mm de pluie, soit un peu moins que l'estimation populaire, mais néanmoins quand même beaucoup. Quand on sait que notre terrain fait environ 700 m², ce sont donc 112 m3 d'eau qui se sont déversés dessus, soit plus de 2 fois le contenu complet de notre piscine.

Heureusement tout cela s'est évacué sans problèmes, en partie dans le jardin, et en partie dans le caniveau de la rue, donc dans le réseau des eaux pluviales de Lattes, même si comme on le voit par exemple sur Google maps en 2012, la pente de la rue fait monter le niveau d'eau dans le caniveau. C'est rassurant, car chaque fois que nous disons où nous habitons, on nous dit que c'est dans le lotissement Fillies, où dans les années 1975 le réseau d'eau pluviale n'a pas été bien conçu. A supposer que ce soit vraiment le cas, le réseau semble aujourd'hui capable d'absorber quand même pas mal d'eau. C'est important car à Montpellier et sa région, encore en 2014 et 2015, les dégâts d'inondation étaient pour une bonne part dues aux eaux de ruissellement qui formaient des torrents dans les rues en pente. Dans notre quartier de Lattes pour l'instant il n'y a rien de tel, et comme toute la zone est vraiment très plate, il n'y a aucune raison de craindre que les eaux de pluie des autres quartiers dévalent chez nous. Il faut juste s'assurer que les pluies qui tombent chez nous s'évacuent normalement. Et jusqu'ici c'est le cas.


Une toute autre question est celle des crues de rivières, qui peuvent sortir de leur lit et provoquer des inondations. A Lattes c'est une question très importante, car la commune est traversée par plusieurs rivières (ou fleuves côtiers) qui historiquement sont sortis de leur lit et ont provoqué des inondations parfois catastrophiques. Ce sont en effet des "crues cévenoles" ou "crues méditerranéennes" extrêmement subites et violentes, où un petit filet d'eau peut se transformer très rapidement en un torrent dévastateur.


On trouve sur le net une base de données des décrets classant les communes en état de catastrophe naturelle. C'est une procédure qui n'existe que depuis 1982, les grandes crues historiques plus anciennes n'y figurent donc pas. Pour Lattes, on y recense 17 décrets, presque tous pour des catastrophes inondations et coulées de boue, soit pratiquement un tous les deux ans:


Les crues les plus marquantes à Lattes ont été dues au Lez, fleuve côtier qui descend des Cévennes, en prenant sa source au nord de St Clément de Rivière, traverse Castelnau le Lez, Montpellier, Lattes et se jette dans la mer à Palavas-les-Flots. Sur ses 29,6 km il est capable de faire pas mal de ravages quand il se met en colère. Il faudrait aussi citer la Mosson, affluent du Lez, mais si celle-ci reste un risque pour certains quartiers à l'ouest de Lattes, notamment Maurin, elle ne semble guère affecter Lattes-centre. On se concentrera donc sur le Lez.


Le Lez a connu dans l'histoire récente des crues violentes , par exemple en 1933 où il a fait des dégâts et 9 morts à Lattes. A l'époque il n'y avait pourtant que très peu d'habitants dans notre commune. Une autre date citée par Météo-France concerne la grande crue de 1976.


En 2003, une grande inondation atteint un certain nombre de quartiers de Lattes, si bien que la polémique sur la sécurité des digues monte dans le Midi Libre. En 2005, Lattes n'est pas gravement inondée lors de la grande crue du Lez, mais l'alerte générale est à nouveau donnée, car les digues qui protègent le centre ville de Lattes manifestent des faiblesses, et on considère que Lattes a évité de justesse une catastrophe majeure. Même si les associations, hommes politiques et médias exagèrent toujours un peu, les esprits ont été frappés par un article de l'hebdomadaire Marianne disant qu'il aurait pu y avoir 300 morts. En fait, ce chiffre n'est qu'une extrapolation hasardeuse du contenu d'un rapport de l'inspection générale de l'environnement de juillet 2006, établi par Philippe Quèvremont, rapport qui ne parle pas de morts, mais qui est tout de même très alarmiste sur les conséquences qu'aurait une inondation sur Lattes-centre si l'on ne faisait rien.


Heureusement tout cela a mobilisé les responsables politiques, si bien qu'a été engagé à Lattes l'un des plus gros chantiers de protection contre les inondations de ces dernières années en France, en suivant les préconisations de M. Quèvremont. Les travaux, souvent qualifiés de titanesques, ont consisté essentiellement en deux choses: un important renforcement des digues du Lez et de quelques affluents au droit des habitations  de la commune, et l'aménagement d'un chenal de dérivation utilisant le lit de la rivière Lironde, qui permet de faire passer une partie de la crue du Lez directement dans l'étang du Méjean, en court-circuitant la partie aval du Lez. Les travaux achevés en 2015 ont coûté 48 millions d'euros.


Il est convenu maintenant de considérer que le problème des inondations du Lez à Lattes est maîtrisé, comme le titre le journal la Marseillaise en 2014. C'est bien sûr vrai seulement sous certaines conditions: d'une part il faut que les digues et le chenal soient suffisamment bien entretenus et gérés. D'autre part il faut que la crue ne soit pas tellement exceptionnelle qu'elle dépasse le niveau des digues. En gros, les digues ont été dimensionnées pour faire face à une crue de 900 m3/seconde, ce qui est aujourd'hui l'estimation du débit  de la crue centennale, et environ deux fois le débit des fortes crues de 2003 et 2005.


Si on en croit la page 44 du rapport de présentation du Plan de Prévention des Risques Inondation de Lattes, lors de cette crue environ 570 m3/s d'eau passera dans le cours du Lez au niveau de Lattes,  250 m3/s passeront dans le chenal de la Lironde après le répartiteur, le reste produisant des débordements locaux en amont du répartiteur, dans des zones d'épanchement des crues notamment près de l'autoroute A9. Par voie de conséquence, le même document montre que si par malheur la crue était plus forte, par exemple à 1.500 m3/s, alors 120 m3/s d'eau déborderaient des digues du Lez et inonderaient une partie de Lattes.


Les cartes de risque d'inondation publiées par le site eaufrance permettent de comprendre quels quartiers de Lattes seraient inondés dans chaque cas de figure. Dans le cas de la crue centennale du Lez, qui correspond au scénario moyen de ces cartes, on trouve que Lattes centre, et notamment les villas proches des arènes, sont totalement hors d'eau. Seuls quelques quartiers périphériques auront parfois entre 0 et 1 m d'eau, notamment celui qui est le plus proche de la Lironde.


Dans le cas du scénario extrême, la zone inondée est naturellement plus étendue et arrive à la limite jusqu'à notre villa qui pourrait alors recevoir entre 0 et 50 cm d'eau. Ce qui est rassurant, c'est que ce scénario correspond à une crue millénale, qui se produit donc  en moyenne une fois tous les mille ans.

En conclusion, par rapport aux crues du Lez le risque d'inondation qui nous guette est suffisamment minime pour qu'il ne nous inquiète pas, mais il n'est pas tout à fait nul.


Le Plan de Prévention des Risques d'Inondation de Lattes classe notre quartier, tout comme  la plus grande partie du centre de Lattes, en zone blanche, dite Z1, appelée zone de précaution. C'est une manière de dire que c'est bien en zone blanche, donc qu'il n'y a pas de risque pour la crue de référence qui a servi à bâtir le Plan, ni d'inconstructibilité, mais qu'il faut néanmoins respecter quelques précautions en matière d'urbanisme pour le cas où une crue plus forte se produirait.


Ces précautions sont définies par le règlement du PPRI et consistent:
- à y interdire la construction de bâtiments stratégiques (caserne de pompiers, gendarmerie...)
- à compenser pour partie l'imperméabilisation des sols de toute nouvelle construction, sauf les maisons individuelles,
- à dimensionner le réseau d'eau pluviales au moins au débit décennal pour éviter une surcharge de ruissellement


Après les eaux pluviales et les crues du Lez, il reste une dernière question à examiner qui est celle des submersions marines. Notre villa à Lattes n'est en effet qu'à 5 kilomètres à vol d'oiseau de la mer Méditerranée, et à 1,6 km des étangs qui communiquent avec la mer. L'altitude moyenne de la commune n'est qu'à 3 mètres au-dessus du niveau de la mer. On peut donc se demander si par grosses tempêtes il y a un risque d'inondation venue de la mer.


La réponse se trouve à nouveau dans les cartes de risque d'inondation du site eaufrance. Pour un événement extrême, les submersions marines couvriraient tout le sud de Lattes-centre, mais s'arrêteraient juste derrière notre villa, à peu près au niveau du site archéologique. Donc de ce côté cela va bien aussi, même si, avec le changement climatique et l'élévation du niveau de la mer, la situation peut évoluer d'ici quelques décennies.


Pour finir sur ce sujet, il est amusant d'observer l'évolution de la communication publique sur le risque d'inondation à Lattes, grâce à la thèse d'une étudiante en sociologie du Cemagref, Séverine Durand. Elle compare à trente ans d'intervalle (1980 vs 2010) comment le journal municipal de la ville de Lattes parle du risque d'inondations. On y apprend  au passage qu'au début du XXème siècle les habitants de Lattes étaient appelés « Lous manja-mouissaus », c'est à dire les mangeurs de moustiques, mais c'est une autre histoire.


Ce qui est frappant dans l'étude de Mme Durand, c'est que sur la première période le journal municipal de Lattes fait constamment référence aux catastrophes historiques qu'a connues Lattes. Si le fleuve Lez est présenté comme une source de vie, on rappele aussi constamment qu'il peut être source de mort:« Le Lez : c’est la vie... mais Thanatos rôde toujours ». A l'opposé, l'évocation de l'histoire tourmentée des inondations a complètement disparu trente ans après, et s'y est substitué un discours technique sur les travaux à faire pour maîtriser les crues et montrer le volontarisme des élus locaux en la matière.

On peut cependant noter que le syndicat intercommunal SYBLE chargé de gérer le Lez, et présidé par Cyril Meunier, le maire de Lattes,  organise en octobre 2016 une exposition de photos à l'espace Lattara de Lattes où on montre bien quelques inondations récentes sur la commune et ailleurs. Maintenant que le Lez semble relativement dompté, il s'agit sans doute de reprendre plus sereinement un discours public sur les risques qui lui sont liés.


Car dans le PAPI2 du Lez, c'est-à-dire le 2ème Programme d'actions de Prévention  des Inondations, qu'a élaboré le Syble, figure en 1ère place l'objectif de sensibiliser les populations au risque d'inondations. Il serait donc assez incohérent de se contenter de claironner partout  qu'il n'y a plus de risque et qu'on peut tous dormir tranquilles.

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