samedi 2 avril 2016

Pélardon


Nous sommes d'assez gros mangeurs de fromages. Aussi nous sommes-nous intéressés dès notre arrivée dans le Languedoc au pélardon, le plus renommé des fromage  des Cévennes.



Pour le novice le pélardon ressemble à d'autres petits fromages de chèvre au lait cru comme les différentes variétés de cabécous,  dont le plus célèbre est le Rocamadour, mais il ne faut surtout pas confondre, car le pélardon est une appellation spécifique qui bénéficie d'une double protection:


C'est d'abord une AOC, appellation d'origine contrôlée depuis un décret d'août 2000 qui protège l'appellation en France.  C'est ensuite une AOP appellation d'origine protégée, label européen qui étend  la protection de l'appellation  dans toute l'Union Européenne. L'AOP a été obtenue le 9 décembre 2001 par le règlement d'exécution 1298/2011 de la commission européenne.

Le site du syndicat des producteurs de pélardon  décrit en détail les différentes spécifications propres au pélardon.

Il s'agit d'abord de la zone de production qui est strictement délimitée:


On voit que nous ne pourrions pas nous lancer dans la production de pélardon à Lattes, mais que la zone de production descend jusqu'aux abords septentrionaux de Montpellier.

Il faut ensuite respecter toute une série de prescriptions relatives à la fabrication:


Cela commence par le pâturage: les chèvres sortent au moins 210 jours par an, et chaque chèvre bénéficie en moyenne au moins de 2.000 m² de prés, sous les châtaigniers ou dans différentes formes de landes et garrigues pour s'ébattre et trouver sa nourriture.


Les chèvres sont de race sélectionnée: Saanen, Alpine, Rove ou issues de croisements de ces races. Elles produisent chacune en moyenne 500 litres de lait par an, avec des pointes à 1000.


Le lait cru ne subit aucun traitement thermique, ni a fortiori de congélation. Il est caillé en utilisant des ferments provenant des lactations précédentes, conservant ainsi la flore bactérienne et ses spécificités aromatiques. Puis il est moulé à la louche et égoutté pour lui donner sa texture et sa forme. Il est affiné au moins 11 jours dans des conditions de température et d'hygrométrie contrôlées, période pendant laquelle il est retourné tous les 2 jours.

On trouve une fiche technique sur ces spécifiques sur le site de l'INAO qui contrôle les appellations d'origine en France. Un dossier très complet sur le pélardon est aussi publié sur le site de la gazette de Montpellier qui souligne que le pélardon est un miracle à la cévenole, que l'on doit principalement aux soixante-huitards qui l'ont relancé en allant élever des chèvres dans les Cévennes, ou sur wikipedia.

Le pélardon se déguste principalement de février à octobre, période de lactation des chèvres. On peut cependant encore en trouver parfois jusqu'à Noël, mais il est alors moins de saison. Selon la période de l'année et l'affinage, il est d'abord crémeux, puis demi-sec, et enfin sec. Je ne résiste pas au plaisir de reproduire ici l'éditorial du chef cuisinier Anne Majourel, qui décrit les différentes saveurs du Pélardon au long de l'année:

La documentation sur le pélardon fait apparaître quelques éléments historiques:

Pline l'Ancien semble citer un fromage "Le Péraldou" estimé pour sa saveur piquante. Il précise d'ailleurs dans le livre XI de l'histoire naturelle:

Le fromage le plus estimé à Rome, où l'on juge en présence l'une de l'autre les productions de tous les pays, est, parmi les fromages des provinces, celui qui provient de la contrée de Nîmes, de la Lozère et du Gévaudan ; mais le mérite en dure peu, et il ne vaut que tant qu'il est frais.

L'Abbé Boissier de Sauvages donne dans son dictionnaire languedocien/français de 1756 une définition du « Péraldou ». Le « Péraldou »  est également décrit dans le dictionnaire de Frédéric Mistral, Lou Tresor dóu Felibrige, publié en 1878, avec ses différents synonymes:



Enfin pour relever encore le niveau culturel de ce blog, on peut mentionner le livre de Charles Exbrayat, l'Honneur de Barberine, dont a été tiré un téléfilm. L'intrigue se passe dans un village des Cévennes où deux familles de producteurs de pélardon se font une vive concurrence...




Pour notre part, nous achetons le pélardon principalement à la fromagerie Saint Joseph de la place Jacques Aragon à Lattes, dirigée par Anna-Maria Rosset-Lanchet.


Il provient du Mas de la Courme à Saint Bénézet, une petite commune  dans le Gard, à mi-chemin entre Alès et Nîmes. Le producteur, Mathieu Rio, y a repris en 2004 une chèvrerie communale et y produit notamment le fameux pélardon selon les règles de l'art AOP. Il a un site internet  et est même présent sur Facebook.


On peut juste remarquer que quand le Midi Libre publie des photos d'un groupe qui visite sa chèvrerie, les chèvres semblent un peu entassées dans des cageots, loin de gambader dans les verts pâturages du "massif des Lens" sous les chênes verts, blancs, kermesse et autres arbousiers. C'est sans doute que les visites se font essentiellement pendant les 145 jours par an où l'AOP permet de les garder à l'intérieur...


En tous cas ses petits pélardon ont le bon goût du lait cru de chèvre, rehaussé par les plantes aromatiques des Cévennes. Inutile de dire qu'ils ne traînent pas longtemps sur notre plateau de fromages.

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